Une équipe franco-belge a découvert comment une protéine perturbe les neurones.
Cours d'initiation à la gymnastique quotidienne d'un malade atteint de la maladie de Parkinson. |
Avez-vous percé le mystère de la maladie de Parkinson? «En partie, certainement», répond sans hésiter le Pr Ronald Melki, directeur de recherche CNRS, qui a publié le 10 juin dans la revue Nature les résultats étonnants de recherches menées par son équipe de l'Institut des neurosciences Paris Saclay avec celle du Pr Veerle Baekelandt à Louvain (Belgique). La maladie touche environ 1 % des plus de 65 ans, soit 100 000 à 150 000 personnes en France et 8000 nouveaux malades chaque année. Un malade sur dix a moins de 50 ans. Voilà déjà une quinzaine d'années que le Dr Maria-Gracia Spillantini, à Cambridge, a découvert le rôle d'une protéine, l'alpha-synucléine, dans plusieurs maladies neurodégénératives. «L'agrégation de l'alpha-synucléine est la signature moléculaire de la maladie de Parkinson, que ce soit la forme sporadique (sans antécédent dans la famille, NDLR) ou les formes familiales de la maladie», explique le Pr Melki.
Mais depuis quinze ans, les chercheurs butent sur une énigme: comment une même protéine en s'agrégeant peut-elle déclencher différentes maladies: Parkinson, démence à corps de Lewy et atrophie multisystématisée. Les Pr Melki, Baekelandt et leurs équipes viennent de trouver la solution. Il y a deux ans déjà, l'équipe de Saclay avait montré comment les protéines dont l'agrégation est associée aux pathologies neurodégénératives se propageaient de cellule en cellule dans le cerveau, contribuant à la dégénérescence de proche en proche des neurones. Cette fois, ils ont réussi à provoquer la maladie chez des rats en utilisant différentes formes d'assemblages de ces protéines.
«Nous avons généré les différentes formes agrégées “souches” de l'alpha-synucléine, nous les avons caractérisées et marquées afin de les suivre chez le rat», détaille Ronald Melki.
Un travail minutieux indispensable pour franchir l'étape expérimentale suivante. Celle qui consistait pour l'équipe belge à injecter les agrégats de Saclay à des rats pour observer si cela pouvait provoquer des lésions similaires à celles de la maladie de Parkinson.
Neutraliser les agrégats
Les chercheurs ont découvert que deux formes différentes d'agrégats, «en spaghetti» et en «linguine», induisaient deux maladies différentes. «La raison n'est pas très claire, explique au Figaro le Pr Veerle Baekelandt, mais dans la mesure où la forme “spaghetti” provoque chez les rats davantage de symptômes de type Parkinson et la forme “linguine” plus de symptômes d'atrophie multisystématisée, c'est bien que la base structurale importe.»
«Ces deux formes ont des propriétés de surfaces différentes même si elles sont constituées de la même molécule, ajoute le Pr Melki. C'est pourquoi je les compare aux pâtes, qui ont le même constituant mais différentes formes.» C'est désormais la compréhension à l'échelle moléculaire du phénomène qui permettra la conception d'outils thérapeutiques et diagnostiques de haute spécificité. L'objectif est la neutralisation des agrégats puisqu'ils contribuent à la maladie en passant d'une cellule affectée à une cellule saine. Comment? «En changeant leurs propriétés de surface, répond le Pr Melki. On peut faire cela en y accrochant des anticorps ou par une stratégie que nous avons initiée depuis trois ans dans mon laboratoire où nous utilisons des protéines que l'on appelle des chaperons moléculaires. C'est assez simple, c'est comme habiller les fibres d'une substance qui change leurs propriétés de surface.»
Il s'agirait en quelque sorte de maquiller les protéines d'alpha-synucléines pour que les neurones ne les reconnaissent plus. «Les chaperons bloqueront la progression de la maladie à un stade où il n'y a pas encore de symptômes ou gèleront la progression des symptômes», explique le Pr Melki. Un beau programme de recherche pour les cinq à dix ans à venir.
Source : lefigaro
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