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jeudi 21 mai 2015

Perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques, l’ère du soupçon



Nous sommes exposés quotidiennement à un

 grand nombre de perturbateurs endocriniens 
différents, notamment dans nos produits de 
beauté et d’hygiène.
Dans l’univers des cosmétiques, 40 % des produits contiendraient une substance étrangère à l’organisme suceptible d’interférer avec les fonctions du système endocrinien.
Ils sont au moins huit cents. Présents dans tout l’environnement, les perturbateurs endocriniens (PE) le seraient aussi dans 40% des cosmétiques, sous forme de conservateurs, de filtres, etc. Les parabens ont déjà fait les frais des soupçons qui pèsent sur eux. Bruxelles en a interdit cinq dans les cosmétiques, «faute de données permettant leur réévaluation». À partir d’avril 2015, la concentration autorisée de deux autres, le propylparaben et le butylparaben, est réduite, et leur usage restreint chez les bébés. Le methylparaben et l’ethylparaben sont sans dangers pour la santé, ajoute la Commission.
L’exemple illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les régulateurs européens. S’il y a accord sur la définition générale des perturbateurs endocriniens – une substance étrangère à l’organisme susceptible d’interférer avec les fonctions du système endocrinien -, s’ils sont soupçonnés d’effets délétères sur le système reproducteur, de risque peut-être accru de cancers hormono-dépendants (sein, prostate) et de maladies métaboliques, il n’existe toujours pas de référentiel permettant de classer chaque substance comme PE ou non PE, selon des critères objectifs et validés, en fonction des doses et des âges de la vie. Bruxelles avait promis sa publication pour septembre, puis décembre 2013… avant de lancer début 2015 une consultation publique. Si tout va bien, ce référentiel verrait le jour en 2016…

Manque de données

Le vrai souci, c’est le manque de données. «Nous en avons très peu sur l’homme, sauf pour certains produits pharmaceutiques. Les évaluations actuelles s’appuient donc sur les tests in vitro et sur les données animales qu’on extrapole à l’homme», explique Christophe Rousselle, toxicologue à l’Anses. «Mais pour qu’une substance soit classée comme perturbateur endocrinien avéré, il faut disposer d’études de toxicité animale probantes. Or depuis l’interdiction pour les cosmétiques des expérimentations animales de 2013, on ne peut plus en lancer.»
Seules existent celles effectuées auparavant sur des produits anciens comme le triclosan, mais sans possibilité de les compléter pour cet effet précis. Idem pour les cinq parabens dont l’interdiction ne repose que sur des données partielles. «Comme tous les ingrédients cosmétiques sont évalués, entre autres, pour leur reprotoxicité avant d’être autorisés, on peut quand même considérer qu’ils présentent un risque limité, estime l’expert. La question se posera plus pour les substances nouvelles.»

«On ne sait pasce qu’on cherche»

«Le problème, c’est qu’on ne sait pas ce qu’on cherche, souligne le Dr Christine Lafforgue (UFR pharmacie, Châtenay-Malabry). On peut regarder l’effet d’une substance appliquée sur la peau et qui ressort de l’autre côté. Mais si c’est un intermédiaire qui est nocif? On connaît très mal le métabolisme cutané, qui reste une vraie boîte noire.» Pour la dermato-pharmacologue, «on a retiré les parabens à chaîne longue sous la pression médiatique, sans données toxicologiques solides sur leur effet perturbateur endocrinien». Un avis que partage le Pr Lepoittevin, pour qui «l’absence de parabens est surtout devenue un enjeu marketing».
Pour la pharmacologue, «il y a surtout de gros doutes pour deux conservateurs, le triclosan et le phénoxyéthanol». Or ce dernier est spécifique d’une bactérie, P. aeruginosa, interdite dans les cosmétiques, et sera difficile à remplacer. De plus, les arguments portent sur la voie orale, pas cutanée. «C’est très différent. La preuve, une amanite phalloïde, très toxique par voie orale, n’a aucun effet sur la peau. Mais on ne parle que de cosmétique, il faut donc rester serein: si on a un doute sur un ingrédient, on le retire. Et si on peut le remplacer par un autre, on le fait…»
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